Comment aider les jeunes à avoir confiance en eux ? La réponse des associations


Les jeunes issus de milieux défavorisés ont-ils moins confiance en eux que les autres ? Quelles solutions fonctionnent pour leur redonner les clés de la confiance ?

Pour débattre autour de ces questions, nous organisions le 19 mars dernier à L’Ascenseur avec VersLeHaut un évènement avec près de 70 participants pour échanger autour de la confiance en soi des jeunes. Une conférence animée par Ericka Cogne, Directrice générale de Télémaque en présence d’experts engagés, pour découvrir les solutions qui redonnent espoir et confiance à notre jeunesse et envisager ensemble leur changement d’échelle.

Afin de mieux mesurer le niveau de confiance des jeunes en eux, en leur avenir et dans les autres, nous collaborons avec VersLeHaut, afin d’identifier les leviers d’action les plus efficaces. Le Baromètre Jeunesse&Confiance 2023 (« Moi, les autres, la planète : une jeunesse en quête de confiance ») est le résultat de ce partenariat, en lien avec l’Institut de sondage OpinionWay. Il a ainsi été présenté lors de la conférence par Stephan Lipiansky, Chef de projet et rapporteur du cycle Confiance de Vers le Haut et Marion Denis, Cheffe de projet communication et jeunesse de Vers le Haut. Retrouvez ici les 3 principales leçons à retenir de ce baromètre.

Le Baromètre met également en avant l’influence de l’entourage et notamment des parents sur le niveau de confiance des jeunes. Ainsi les jeunes déclarant pouvoir compter sur leurs parents sont 77% à avoir confiance en eux contre 22% de ceux qui ne peuvent pas compter sur leurs parents. Les jeunes qui ont suivi leur scolarité en éducation prioritaire affirment pouvoir moins compter sur leurs parents que les autres, les rendant plus vulnérables.

C’est autour d’une table ronde, que des experts engagés ont partagé leur vision de la confiance en soi des jeunes, identifier leurs freins et les solutions envisagées. En présence de : Anne Reuillon, Professeure des écoles en maternelle et Déléguée départementale Public Montessori, Laurence Bocquet-Vallette, Responsable nationale éducation pédagogie activités des Scouts et Guides de France ; Caroline Sénéclauze, Présidente fondatrice de Projet Moteur!, et Quentin Jagorel, Directeur général de l’Institut de l’Engagement

« Je n’ai pas l’impression que les enfants en entrant en maternelle manquent de confiance en eux. Mais j’ai remarqué qu’ils la perdaient ensuite, petit à petit. À quel moment cette perte de confiance arrive ? C’est ce qui m’a motivée à changer de pédagogie. Depuis que j’enseigne la pédagogie Montessori, j’ai vu un vrai changement. »
– Anne Reuillon, Professeure des écoles en maternelle et déléguée départementale de Public Montessori

La méthode Montessori est une pédagogie ouverte, fondée sur un accompagnement au développement de l’enfant via un environnement adapté à ses besoins. Fondée en 2015, l’association Public Montessori a pour mission de faciliter la mise en place de la pédagogie Montessori en accompagnant les enseignants et sensibilisant les acteurs de l’Éducation nationale à cette pédagogie.

Anne Reuillon a notamment évoqué les piliers favorisant la confiance en soi selon la pédagogie Montessori :

  • l’entraide entre les enfants, même les plus petits,
  • le droit à l’erreur,
  • la répétition de l’apprentissage,
  • le temps long
  • et l’amour.

« 30% des enfants à la sortie du CM2 n’ont pas les compétences de bases en lecture, écriture et mathématiques. Nous avons un rôle à jouer ! Tous les enfants doivent sortir du CM2 avec le même potentiel. »

L’école joue un rôle actif dans la lutte contre les déterminismes sociaux. Il est donc impératif de soutenir les enseignants part la formation et l’entraide entre pairs pour mettre en place des pédagogies actives au service du développement des enfants et des jeunes.

« Un enfant ne naît pas un enfant de confiance. Il développe ou non cette confiance en fonction des adultes autour de lui, de la façon dont on lui parle. La confiance en soi démarre dès 6 ans en demandant à chaque jeune son avis, leur faire prendre la parole. Les faire rentrer dans la boucle démocratique d’une association…Tous les adultes qui ont inclus des jeunes dans les décisions sont bluffés car ça marche ! »
Laurence Bocquet-Vallette, Responsable nationale éducation pédagogie activités des Scouts et Guides de France

Fondé par Baden-Powell en 1907, le mouvement scout, développe une éducation par le jeu, l’indépendance, la confiance et l’apprentissage mutuel. L’objectif est d’aider chaque individu à construire sa personnalité tout en contribuant à son développement physique, mental et spirituel. Scouts et Guides de France est un mouvement d’éducation populaire regroupant 860 implantations locales et compte plus de 90 000 adhérents.

Les enfants peuvent rejoindre le mouvement à partir de 6 ans. Les objectifs pédagogiques sont alors : devenir autonome et faire confiancetout en adhérant à la « la méthode Scout ». Cette approche repose sur 8 éléments clés :

  • la vie en équipe,
  • la vie dans la nature,
  • la progression personnelle,
  • l’apprentissage par l’action,
  • le soutien adulte,
  • l’engagement dans la communauté,
  • le cadre symbolique,
  • la loi Scout : positive que les jeunes suivent volontairement.

« Savoir maîtriser ses émotions permet de booster sa confiance en soi. ». La pédagogie des Scouts et Guides de France se base principalement autour des émotions. Pour développer cet aspect l’association développe de nombreux outils. Elle a notamment créé le « Jeu des émotions ». Ce jeu offre aux enfants l’opportunité d’explorer de nouvelles émotions, d’étoffer leur lexique et de les aider à exprimer les différentes émotions qu’ils vivent dans divers contextes. Il est conçu pour se jouer à la manière d’un jeu de 7 familles traditionnel, ou comme un outil pour articuler les émotions, par exemple lors des temps couleurs.

Laurence Bocquet-Vallette a mis en avant l’importance de la dimension parentale dans le scoutisme, en soulignant ses nombreux avantages. Premièrement, elle note que cette approche permet aux enfants et à leurs parents de se redécouvrir mutuellement. Elle offre également l’opportunité aux animateurs du groupe de ne pas seulement s’occuper des enfants, mais également d’encourager les parents à s’impliquer activement. Cela facilite les discussions entre eux sur divers défis liés à l’éducation et à la discipline à la maison. Cela crée également un espace où les parents peuvent s’exprimer librement et partager leurs expériences.

« Le cinéma est un prétexte pour mettre les jeunes en lumière, c’est un outil pour le projet moteur qui met au centre de son action la puissance du « je t’aime ». Revaloriser la gratitude et le lien intergénérationnel est vital pour notre société. Le moteur ce sont les valeurs et les qualités d’autrui qui nous inspirent. Quand on parle de l’autre, on parle aussi de soi-même. »
– Caroline Sénéclauze, Présidente fondatrice du Projet Moteur !

A travers la réalisation d’une vidéo de 1min30 de gratitude envers des modèles inspirants, l’association Le Projet Moteur révèle le potentiel des jeunes. Moteur part du principe qu’en exprimant leurs reconnaissances, les jeunes ont l’occasion de prendre la parole, d’apprendre à se connaître et développer leur confiance. Cela demande beaucoup de courage de filmer quelqu’un, même de son entourage, pour lui dire merci !

« Ce que l’on a de plus précieux, c’est une banque de plus de 3 000 films, qui disent merci, qui disent je t’aime, qui disent je t’inspire, à des modèles inspirants des figurent féminines honorées comme des mères, des grand-mères. C’est justement par cette parole des jeunes, fraternelle, vraie, émouvante, qu’on va changer le regard de la société, non seulement sur les jeunes, mais sur les jeunes dans toute leur pluralité, sociale, territoriale, culturelle, et c’est ça qui est vraiment important. »

Le manifeste Moteur!, lu par Grand Corps Malade.

« Malgré les 6 ans d’accompagnement de Télémaque, nous avons réalisé en 2016 que nos jeunes Télémaque manquaient toujours de confiance en eux. Depuis nous avons designé un programme complet sur la confiance en soi. Aujourd’hui nous sommes prets à partager nos outils et enseignements avec d’autres acteurs de l’éducation. »
– Ericka Cogne, Directrice générale de Télémaque

Grâce au soutien de la Fondation TotalEnergies, qui l’a initiée, et aujourd’hui grâce à la Z Zurich Foundation, Télémaque développe le programme Potentiel pendant les journées “Je développe mon potentiel” destiné à tous les filleuls de 3ème en voie générale et aux jeunes de la voie professionnelle que nous accompagnons pour pallier leur manque de confiance.

Au travers d’ateliers de développement personnel sur les réussites, l’engagement, la gestion des émotions et la prise de parole en public, l’association vise à montrer à chaque jeune qu’il possède déjà, malgré son jeune âge, un fort potentiel. L’escape Game Coop Impact, créé par notre partenaire Belugames, permet à nos filleuls d’apprendre à collaborer et à distinguer l’observation des faits et l’expression du jugement. Grâce au jeu “Y’a moyen”, ils peuvent découvrir de nombreux engagements sociétaux et en choisir un à suivre, dont ils devront effectuer la restitution.

À l’issue de ces journées Potentiel, 80% des jeunes participants ont déclaré avoir plus confiance en eux. Selon Ericka Cogne, Directrice générale, il est primordial de partager en open source les outils développés par chacun, et les rendre disponibles à tous les acteurs de l’éducation, comme nos jeux “Coop Impact” et “Y’a moyen”.

Grâce au jeu « Y’a moyen », ils peuvent découvrir de nombreux engagements sociétaux et en choisir un à suivre, dont ils devront effectuer la restitution. A l’issue de ces journées Potentiel, 80% des jeunes participants ont déclaré avoir plus confiance en eux.

Télémaque développe également Mon Avenir en Grand, une plateforme dédiée aux jeunes pour les aider à s’orienter, se motiver et développer leur potentiel. A travers des articles et des vidéos, les jeunes disposent de nombreux outils et conseils pour prendre confiance en leur capacité à réussir et dans leur avenir. Par exemple, la playlist « parcours inspirants » présente différentes figures de role-models.

Selon Ericka Cogne, il est primordial de partager en open source les outils développés par chacun, et les rendre disponibles à tous les acteurs de l’éducation.

« Il y a ce fort besoin d’écoute active. Nous devons passer de « sois jeune et tais-toi à tu es jeune et on t’écoute » ! » 
– Quentin Jagorel, Directeur général de l’Institut de l’Engagement

Pour Quentin Jagorel, la confiance en soi (« je suis capable de ») est intimement liée à l’estime de soi (« je vaux quelque chose »). Mais il ne faut pas que les débats autour de la confiance occultent le problème systémique des inégalités sociales. Quand on a des parents qui ont fait des études supérieures, on a 3 chances sur 4 d’en faire soi-même mais quand nos parents n’ont pas fait d’études supérieures alors nous avons 1 chance sur 4. Donc quand on vient d’un milieu défavorisé, ne pas avoir confiance en soi est la conséquence individuelle d’un problème structurel, de société.

Le manque de confiance en soi serait cette perception de ne pas avoir les ressources internes et externes, et de ne pas pouvoir les mobiliser pour réaliser un objectif. L’Institut de l’Engagement vient donc accompagner les jeunes pour lever, entre autres, ces freins.

L’Institut propose chaque année à plus de 700 jeunes ayant réalisé un service civique ou un engagement bénévole de devenir lauréats afin de structurer leur projet d’avenir grâce à un accompagnement poussé, un suivi individualisé et des actions collectives. Cet accompagnement se structure autour de 4 valeurs :

  • L’engagement comme un catalyseur de confiance en soi, dans la société et dans l’avenir. Selon la Fondation Jean Jaurès, les jeunes engagés ont une perception beaucoup plus ouverte sur la société et craignent moins la diversité notamment.
  • La reconnaissance de cet engagement donne de la valeur aux actions des jeunes.
  • Le droit à l’erreur.
  • L’écoute active valorise et légitime la parole des jeunes.

De plus, les Campus de l’Engagement réunissent des centaines de lauréats sur 3 jours pour leur faire rencontre 150-200 professionnels d’entreprises partenaires à travers des conférences, des ateliers, du mentorat et du reverse-mentoring. Un des plus grands impacts de ces campus c’est l’entraide entre pair et la création d’une communauté entre jeunes qui se sentent moins seuls. Les jeunes sont plus confiants, inspirés et motivés.

Quentin Jagorel a notamment identifié comme solution pour favoriser la confiance des jeunes, des espaces d’écoute active, des leçons et solutions que les jeunes apportent à notre société. Ces espaces peuvent prendre l’image des campus de l’engagement réunissant les lauréats et partenaires de l’Institut. Ce sont les jeunes qui vont apporter des solutions aux partenaires et pas l’inverse. Le campus est ce premier espace répondant au besoin d’écoute active des jeunes permettant de tirer les conséquences, leçons et solutions identifiées par eux.

« Le sujet de la confiance est essentiel, en particulier pour les jeunes issus de milieux défavorisés afin de les accompagner vers l’émancipation. L’Institut National de la Jeunesse et de l’Éducation Populaire (INJEP) nous fournit des données pour saisir scientifiquement l’enjeu de la confiance. Ainsi, 67% des jeunes se disent très ou plutôt confiants mais avec des disparités : les jeunes femmes et les moins diplômés sont moins confiants. »
– Thibaut de Saint Pol, Directeur de la Direction de la jeunesse de l’éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA)

Au niveau ministériel, les constats établis par les autres intervenants sont partagés et appuyés par des études. Par exemple, à l’occasion des 60 ans de l’Office Franco-Allemand de la Jeunesse (OFAJ), il a été montré que les jeunes français étaient globalement plus confiants que leurs homologues allemands mais que ce niveau de confiance restait tout de même limité à environ 50% des jeunes.

Thibaut de Saint Pol a notamment mis en avant 4 actions portées par sa direction au sein du Ministère de l’Education Nationale pour renforcer la confiance en soi, notamment des jeunes issus de milieux défavorisés :

  • La mobilité internationale, même courte, est marquante dans le parcours des jeunes en terme de contenu, de citoyenneté et compétences psychosociales.
  • Le mentorat pour ouvrir le réseau aux jeunes qui n’en n’ont pas via des modèles inspirants.
  • Des politiques interministérielles pour le développement des compétences psychosociales chez les enfants et les jeunes.
  • Un comité de filières rassemblant les acteurs de l’animation afin de tisser un lien avec le scolaire et créer des ponts dans l’accompagnement des jeunes tout au long de leur parcours.

« Nul n’a la réponse seul à la confiance des jeunes. Il faut agir ensemble pour construire ces liens. » Guillaume Prévost, Directeur général de Vers le Haut

Merci à tous les participants et à L’Ascenseur de nous avoir accueilli car, comme l’a rappelé sa Déléguée générale Mathilde Boulay, « c’est un lieu créé pour restaurer la confiance des jeunes et permettre à chacun de se réaliser. »

Parce que la confiance en soi est au cœur de la réussite scolaire et de l’épanouissement personnel, elle est un facteur clé d’émancipation et de mobilité sociale. Cet engagement se pense et se déploie toujours au pluriel d’un écosystème : la confiance en soi est fondamentalement relationnelle et elle se tisse au cœur des collaborations et des coopérations entre tous les acteurs qui ne se résignent ni à l’inégalité ni aux fractures de notre société.